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Mary's blog
21 octobre 2008

Jamais seule

" Moi, Annabella Miranès, je déjeune aujourd'hui avec Vincent Cassel, et je dîne  avec Michael Keaton.
Ah, ah ah, ça vous en bouche un coin, hein? Même mes voisines (moqueuses, entre nous soit dit,mais c'est de la pure jalousie!) m'envient. Et oui! Tous les midis, ça se passe comme ça, et tous les soirs aussi.
Non, je ne déjeune pas tous les jours avec Vincent et je ne dîne pas tous les soirs avec Michael. Parfois, je suis en compagnie de Johnny (Deep, évidemment, et non Halliday! Je ne mélange pas les serviettes et les torchons
!), et parfois c'est avec Antonio (Banderas, bien sûr!).
Bref,
mes jours se suivent mais sont loin de se ressembler. Et je ne m'en plains pas.
Le seul ennui est que je n'arrive pas à enrichir ma garde-robe comme je le souhaiterais. Mais apparemment, ça n'a pas l'air de déranger qui que ce soit. Faut dire que chacun de mes rendez-vous a une tenue appropriée. Et jusqu'ici, je n'ai eu que des compliments. Sans prétention aucune, je dirais que c'est normal; je connais Vincent, Michael, Johnny, Antonio -et bien d'autres encore- sur le bout des doigts. Nous sommes des amis de longues dates.
Je sais quels parfums ils portent et auxquels ils sont sensibles. J'ai connaissance de leurs couleurs et musiques préférées... Ce n'est pas rien de savoir ça! Ce n'est pas donné à n'importe quelle femme. Je suis unique en mon genre et c'est pour ça qu'ils ne ratent aucun rendez-vous avec moi. Tous ponctuels!
Ce midi, donc, je vois Vincent. Je me suis habillée en conséquence. Il aime les rondeurs, les reliefs "pulpeux", alors j'ai utilisé tous les arguments pour le séduire. Soutien-gorge Wonderbra, histoire de transformer mon petit 85A en 90 raisonnable. Jupe taille haute pour sculpter mon fessier de méditerranéenne (faut que je pense à renouveler mon abonnement en salle de gym!). Une petite touche de fragrance que seul Vincent connaît...
Je suis fin prête depuis une heure déjà. Qu'est-ce que je pourrais bien faire en attendant? Consulter mon planning pour la semaine prochaine? Ma secrétaire ne devrait pas tarder à me l'apporter. Elle est en retard aujourd'hui!
Ah! On sonne! Ce doit être elle, justement. D'ailleurs, un de ces jours, faudrait que je lui touche deux mots quant à sa façon de coordonner ses vêtements. Toujours en bleu-marine et jaune. Tu parles d'une originalité!
- Bonjour madame Miranès!
- Bonjour Catherine!
- Voilà pour vous (elle me tend mon planning, enfin!). Y a même un colis! Veuillez signez le reçu en bas, s'il vous plaît!
- Merci, Catherine. (je soupèse le colis) Ce doit être les chaussures que j'ai commandées pour mon dîner avec Brad, vendredi prochain (Catherine me sourit en pinçant légèrement les lèvres. Je la soupçonne elle aussi de me jalouser!)
- Je vous laisse, madame Miranès. J'ai pris un peu de retard ce matin. Passez une bonne journée!
- Vous aussi, Catherine!
Même pas le temps de lui serrer la main. Elle a déjà fait demi-tour.
Les bras chargé, je pose mon planning et le colis sur ma table. Je verrai ça plus tard.
Quelle heure est-il? 12h10? Vite! Pas une minute à perdre! Vincent! Mon beau Vincent! Sa façon de marcher, de me parler, de me regarder de ses beaux yeux bleus striés de jaune... Ah, ses yeux! Je me damnerais pour eux! Il y a des gens dont le regard vous améliore! Et c'est pour ça que j'aime la compagnie de Vincent. Vincent, et tous les autres!...


Dans le hall, Catherine se dirige vers les boîtes aux lettres où elle doit répartir le courrier. "Il n'y en a pas beaucoup pour un lundi!", se dit-elle en sortant les enveloppes de sa sacoche. Voilà cinq ans qu'elle travaille à la Poste et autant à desservir ce quartier de la ville. Mais elle n'en changerait pour rien au monde. Et ici, c'est son immeuble favori. Ce n'est pas à cause du grand standing, du peu de locataires ou de la propreté des lieux. Non. Mais grâce à sa concierge, madame Miranès. Une femme adorable. Originale, rêveuse, mais adorable tout de même.
"Quel âge peut-elle bien avoir?, se demande sans arrêt Catherine. Dès que je lui apporte ses revues de la semaine, ses yeux deviennent ceux d'une adolescente!"
La jeune factrice regarde sa montre. Sa tournée est bientôt terminée. Elle jète un dernier regard vers la porte de madame Miranès, d'où proviennent les sons étouffés de sa télévision:
"...aujourd'hui...notre invité spécial... Vincent Cassel..."
(applaudissements)

                                                                     §

                                                                                          M.B.
                                                                                       -Rennes-
                                                                                    Octobre 2008





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