La lettre

18 novembre 2008

"Imagine que quelqu'un d'autre puisse t'aimer aussi fort que moi...
Impossible, après tout ce que nous avons pu vivre ensemble!
Oui, c'est vrai qu'avant toi, un homme m'avait déjà passé la bague au doigt.
Un homme qui s'est retrouvé en prison pour une peine d'un demi-siècle, juste avant le premier anniversaire de notre mariage. Une rencontre avec l'amour qui m'avait laissé un goût amer! Ce n'était d'ailleurs pas une histoire d'amour, mais une histoire d'appétit.
J'étais jeune, à peine sortie de l'adolescence, donc insouciante et inexpérimentée.
Après ça, je m'étais fait une raison: le prince charmant ne reviendrait plus jamais re-frapper à ma porte pour m'enlever sur son fidèle destrier. Je me croyais brouillée à vie avec l'existence.
Mais, si tout finit par s'éteindre, c'est pour mieux se réveiller et repartir!
Et c'est à ce moment précis que tu es entré par la petite porte de ma vie. Au moment-même où je m'apprêtais à plier bagage, pour fuir un présent qui me paraissait trop ... fatal.
Tu n'avais pourtant rien d'un ange -tout l'inverse à vrai dire (d'ailleurs, si les anges descendaient sur Terre, ça se saurait!). Et tu t'es retrouvé en prison à ton tour, peu de temps après ta majorité et notre première rencontre! Je croyais encore à une mauvaise blague du destin! Tu t'es évadé pour me retrouver mais on t'a repêché aussitôt.
Deux ans.
Je t'ai attendu tout ce temps. Et tu m'es revenu! Pas pour très longtemps, c'est vrai. Nous avions volé une voiture pour vivre notre propre aventure. Bêtise! La police nous avait pris en chasse. J'étais parvenue à m'échapper. Toi, non. Ton séjour derrière les barreaux n'avait duré que quelques mois.
Et nous nous sommes retrouvés à nouveau, nous promettant de veiller l'un sur l'autre, et de ne jamais nous quitter...
Depuis, c'est ce que nous faisons.
Nous sillonnons les routes, à toute vitesse, tels deux proies pourchassées.
Par qui?
Par les gens qui nous haïssent, et qui ont pourtant peur de nous (la peur et la haine ne sont-elles pas des amies proches?).
Comment tout cela va-t-il finir?
Je ne veux pas le savoir.
Tu me répètes sans arrêt que je suis quelqu'un de bien.
J'en sais rien.
Vraiment rien.
Mais avec toi, j'ai l'impression de l'être.
Une chose est sûre, nous vivrons et mourrons ensemble.
Fidèlement tienne.
B."

Une lettre que Bonnie Parker aurait pu écrire.
Une lettre que Clyde Barrow aurait pu lire.